L’achat d’un cheval est un engagement de 15 à 30 ans, et parfois plus. En effet, rares sont ceux qui achètent dans l’idée de revendre. La revente est souvent l’expression d’un échec du couple, qui incombe à l’humain. Aussi, faire le bon choix est capital ; pour son propre plaisir bien entendu, mais aussi pour son portefeuille (chaque revente fait perdre de l’argent sur l’animal et sur le matériel) et surtout pour l’avenir du cheval revendu : trop souvent la fin de la collaboration aura été peu fructueuse avec le risque d’une revente à un marchand, voire (sans le savoir) à un boucher.
De grâce, voyez donc plusieurs chevaux, ne vous emballez pas et choisissez « froidement » : oubliez votre désir et votre passion un instant ; faites des colonnes + et – sur un cahier et mettez des croix pour chaque cheval. N’achetez pas celui qui est rigolo, joli ou pas cher ; achetez celui qui vous aura satisfait à l’essai ET qui aura beaucoup de +.
Ici l’on écartera d’office le critère du prix, un bon cheval de ce type étant disponible pour des prix très raisonnables ; après libre à chacun de sur payer au motif d’une robe originale, d’une race à la mode ou d’une origine prestigieuse qui ne seront d’aucune utilité en randonnée.
La COULEUR : On n’ose rarement l’avouer, mais surtout lors d’un premier achat on se base sur ce genre de critère pourtant fort subjectif. Faites l’effort de ne pas regarder les robes. Ce n’est pas parce qu’un cheval est pie qu’il fera un meilleur compagnon de rando ou d’équitation western ! Beaucoup de ces chevaux de robe à la mode sont en fait élevés sur ce seul critère, qui facilitera une vente à prix élevé.
Vous risquez donc paradoxalement de payer cher un mauvais cheval !
Reste l’épineux problème du cheval gris.
D’abord pour la propreté, critère pratique évident si votre paddock est parfois boueux….les auréoles apparaissent alors vite et subsistent trop longtemps pour ne pas vous irriter. Personnellement j’avoue avoir l’esprit pratique, et de fait un cheval de robe claire part toujours avec un handicap lorsque je l’essaye en vue d’un achat. Ceci dit, s’il s’avère très qualiteux, il fera partie de ma sélection.
L’autre problème, cette fois spécifique au cheval gris et bien plus grave, est celui des mélanomes.
Leur fréquence est telle sur le gène gris que mon vétérinaire pense que très nombreux sont les chevaux porteurs de mélanomes internes, donc non visibles, et pouvant donc sembler sains à l’achat.
Malheureusement, lorsque ces saletés commencent à se former sur la peau le cheval est fortement envahis et on ne peut pas faire grand-chose….ces formations peuvent devenir très vite invalidantes, limitant fortement le travail possible, et peuvent représenter des coûts vétérinaires importants sans garantie de rémission.
Mieux vaut donc examiner les ancêtres gris de tout cheval gris qui vous sera présenté ; et renoncer à l’achat au moindre signe douteux. L’aide d’un vétérinaire est un plus dans ce contexte.
La RACE : Là encore, au premier achat le « il est trop beau », l’emporte trop souvent sur tout critère objectif, et la déconvenue est grande quelques mois plus tard…..
Ainsi, un PSar de lignée « show » ou un Frison très baroque feront plus envie qu’un gros Mérens poilu. Pourtant, sur les chemins; le Mérens vous prouvera qu’il est bien supérieur aux 2 précédents.
Vous n’achetez pas une photo de magazine ; vous cherchez un cheval robuste et fiable pour vous accompagner sur des terrains parfois difficiles. L’extérieur c’est cela !
Le Frison est superbe devant une calèche, mais pas idéal pour parcourir les chemins escarpés
Toutes les races peuvent fournir de bons chevaux ; tout dépend de vos exigences : durée de rando, terrain, paquetage, autre discipline éventuelle. Mais aussi de la morphologie et du tempérament de l’individu convoité. Chaque cheval est différent, une race n’est pas faite de clones.
Il y a juste que vous trouverez plus facilement votre bonheur « sans restriction aucune » chez le Camargue que chez le Pur sang.
En équitation d’extérieur, on doit se concentrer sur le modèle et le tempérament individuel. Chaque cheval doit donc être vu en situation et essayé avec soin.
Le SEXE : entre le hongre et la jument, c’est vraiment une question de feeling personnel. Souvent en examinant un échantillon des 5 chevaux dont le caractère vous a séduit, vous constaterez qu’il y a majorité écrasante de l’un ou l’autre. Ce n’est pas un hasard, et il est souhaitable pour votre achat de suivre cette tendance qui est la votre à préférer un des 2.
Le fait que la jument puisse pouliner un jour ne doit pas entrer en ligne de compte: vous cherchez un cheval à utiliser, vous n 'êtes pas éleveur !
L’entier est un cas à part….la question devrait se résoudre par un NON.
Pension peu encline à les prendre, problème pour trouver un gîte ; mais aussi pour toute manifestation et rando de groupe ; dans lesquelles ils sont bien souvent refusés.
Ce choix reste possible ; mais il serait sage de le réserver aux éleveurs, ou a ceux qui pratiquent la majeure partie du temps une discipline où la qualité d’entier apporte plus qu’elle n’est une gêne. Ex : le Dressage.
Choisir un entier pour faire uniquement de la randonnée est une complication et un sur coût ; je n’y vois pas d’avantage.
Saurez vous maîtriser votre cheval ?
Avec un entier, une dispute peut vite dégénérer en combat.
L’AGE : Si vous désirez un cheval prêt à partir pour de longs périples, il faut le choisir mûr physiquement, mentalement ; et bien travaillé. Un tel cheval ne peut pas avoir moins de 6 ou 7 ans. Pour bien en profiter, achetez le avant 12 ans ; et veillez à ce qu’il n’ai pas été sur exploité.
On trouve des chevaux d’expérience en vente au-delà de 15 ans ; parfois même déclarés « très bons pour la rando » à 18 ans. Soyons réalistes ; il s’agit le plus souvent de personnes qui voient le cheval décliner et ne veulent pas assurer le coût d’une retraite prochaine.
Qu’on leur jette ça à la figure ne leur fait pas plaisir, mais j’avoue avoir du mal à admettre qu’on puisse vendre sans remord son vieux compagnon de route juste parce qu’il a besoin d’un repos largement mérité…..et que nous voulons égoïstement continuer le périple sans être limité.
Si vous avez un petit niveau, ces chevaux sont une solution avantageuse pour apprendre. Mais vérifiez le tempérament du cheval (âgé ne veut pas dire sympa !), ses acquis réels et sa santé.
Attendez vous aussi éventuellement à ne faire que de la ballade et de la petite rando; mais aussi à assumer financièrement pendant des années un cheval qui n’aura réellement bossé pour vous peut être que 3 ou 4 ans ! Dans cette idée, évitez vraiment l’achat au delà de 16 ans et ne payez pas cher un tel cheval : il est sur la descendante, et personne ne peut prévoir quand il aura « un gros coup de vieux » qui mettra fin à tous vos rêves. Idéalement, un cheval de ce genre devrait être acheté à très bas prix, pour être ensuite retraité chez vous et servir de compagnon à votre nouveau cheval. Dans l’intervalle vous aurez amélioré votre niveau, et pourrez cette fois opter pour un animal plus jeune.
Quoi qu’il arrive, payer cher un cheval de randonnée ne se conçoit que s’il a une valeur ajoutée rare et utile ; c'est-à-dire un niveau d’entraînement et de dressage lui permettant d’être classé en TREC ou Trail ; et de suivre une course d’endurance de 60 km sans problème tout en étant « facile ». Ou bien encore un gros passé de randonnées au long court.
C’est bien plus rare qu’on ne le pense !!
La majorité des chevaux que vous verrez ne saura même pas reculer !
Il est possible aussi de payer cher pour un papier ou une race, mais cela, je le répète, est de l’argent gaspillé lorsqu’on parle de randonnée. Il faut donc que cela vous fasse plaisir personnellement, car votre cheval ne sera pas meilleur qu’un autre.
Si vous vous sentez l’âme d’un dresseur, l’achat d’un jeune cheval ; peut être même au sevrage, est possible. Mais attention ; saurez vous l’attendre ? Des années de patience sont devant vous ; mais aussi de dépenses rendant ce cheval fort cher au final ; bien plus coûteux qu’un autre vendu éduqué.
Il se pose aussi le problème d’évaluer le modèle futur du poulain acheté avant 2 ou 3 ans. C’est très difficile. Il en est de même pour le caractère. Dans ce cas, voir les 2 parents est une nécessité.
Il faut aussi assumer le problème de la crise d’adolescence par laquelle passe tout cheval entre 4 et 6 ans ; qui peut radicalement changer votre compagnon.
Bien entendu, l’achat très jeune a aussi des avantages en terme d’usure et d’éducation du cheval. Il faut le reconnaître. Cependant, à mon sens, les inconvénients sont très nombreux et les risques forts. Attention donc au coup de cœur pour un poulain…..en général il n’est pas rationnel et trop souvent décevant.
Les PAPIERS : Tout cheval en vente doit OBLIGATOIREMENT posséder un livret signalétique validé et un transpondeur dans l’encolure. Ce n’est pas un « plus » que vous offre le vendeur, c’est une obligation légale depuis des années. Le vendeur doit aussi être en mesure de vous présenter une carte de propriétaire concordante à son nom.
Si ce n’est pas le cas : FUYEZ !
Vous êtes en effet soit devant un naisseur radin qui veut économiser les frais d’identification et s’apprête donc à les mettre à votre charge. Il est sûrement radin aussi pour la qualité de la saillie, de la nourriture, des vaccins et vermifuges qu’il ne donne peut être même pas….bref son poulain est sûrement de père médiocre et aura été mal alimenté et mal suivi…un bien mauvais départ qui ne se rattrape pas.
Plus grave encore, vous êtes peut être devant un voleur de chevaux. Ca existe encore ; grâce justement à la légèreté de ceux qui ne font pas identifier leur animal. Plutôt que de les vendre à un complice pour l’abattage, ces gens tentent de les fourguer plus cher à des particuliers naïfs, en expliquant qu’ils sont contre la puce (facile de falsifier un livret…plus dur pour la puce !) ou qu’ils n’ont pas eu le temps. Ne tombez pas dans le panneau. Vous pourriez être accusé de vol, complicité ou recel ; ce qui conduira à la confiscation du cheval et éventuellement à de la prison pour vous.
L’identification étant obligatoire à la vente, le fait même d’acheter un cheval non identifié valablement vous place en position de faute.
Avec Internet, les info circule, et les photo ; impossible d’imaginer que ce cheval ne sera pas un jour reconnu par son propriétaire, un vétérinaire ou un membre de son écurie.
Le MATERIEL : Si vous avez déjà du matériel de bonne qualité en bon état ; vous souhaiterez le réutiliser. Ce peut être un critère de sélection ; auquel cas il faudra l’essayer sur chaque cheval que vous verrez. Mais attention ; n’allez pas acheter trop cher ou de piètre qualité pour réutiliser une selle !
Le PHYSIQUE du cheval : La beauté au sens équestre se juge là. Je ne parle pas là encore de belles photo sur papier glacé, mais des beautés et défectuosités
Un beau cheval de rando est porteur ; dos large et assez court, mais pas trop pour pouvoir recevoir les sacoches. Il a des bonnes articulations, des membres robustes mais pas trop gras. Il n’emporte pas de masses graisseuses inutiles et on le préférera à la musculature efficace que sur développée et donc lourde.
Il possède du crin pour se protéger des insectes et de la boue (fanons, oreilles….) et fait un poil adapté en hiver. Il n’a pas de problème de dermite ; et possède une peau peu fragile.
Ses allures ne sont pas brillantes, mais économiques. Il a un bon pas ou sera capable de l’avoir après éducation. Sa croupe lui permet de pousser dans les grosses montées.
Ses pieds sont sains.
Il ne se fait pas d’atteintes et ne présente pas de défaut flagrant de conformation.
Il évolue normalement aux 3 allures, et s’il en a d’autres elles sont de qualité.
Il n’est pas enclin aux coliques.
Kaori, des "cavaliers de ST Geniez", est un bon exemple de cheval de rando.
Sa taille est un détail important. Pour des adultes entre 1,70 et 1,85 m, des chevaux entre 1,50 à 1,65 sont un bon choix. Au-delà, les remontées en selles sont vraiment déplaisantes, et les branches basses toujours trop basses. En dessous, la jambe trouvera difficilement sa place et parfois la selle d’adulte ne parviendra pas à se placer avec ses sacoches.
Pour l’attelage, la taille n’est pas un critère vital, mais un cheval de plus de 1,70 m sera difficile à atteler en 2 roues pas trop chère ; et un cheval trop petit pourrait bien n’être pas assez fort pour emporter l’hippomobile et son chargement. N’oubliez pas qu’un cheval ne doit pas tracter plus que son propre poids, et au moins il en a au mieux c’est sur de longs périples accidentés !
Le vétérinaire vérifiera l’appareil locomoteur, mais aussi le cœur et les poumons. Rien ne doit poser problème sur ces 2 organes. Un cheval ayant la moindre anomalie cardiaque doit être écarté, ainsi que tout animal présentant un emphysème ou autre de ce genre, même minime.
Pour les jambes….cela dépend. Un cheval d’extérieur n’est pas un cheval de course ; et certaines affections dues à une sur exploitation régressent à l’arrêt de l’entraînement excessif (inflammations diverses, epistaxis….). Notez qu’il est rare de trouver un cheval parfait sauf peut être chez les poulains.
Le MENTAL : Le bon cheval d’extérieur est calme, mais pas mou. Il garde ses forces pour exécuter les demandes de son cavalier ; et réagit vivement si on le sollicite fort tout en restant facile à contrôler. Il n’est pas « brillant ».
Il est aussi généreux dans l’effort, ne se fait pas prier.
Il n’est pas paddockeur, donc il accepte facilement de sortir du groupe pour prendre une autre direction ; c’est un cheval indépendant.
Mais à l’étape, il est sociable et s’entend bien avec la majorité des chevaux.
Il accepte aussi de prendre n’importe quelle place dans un groupe ; il n’embête pas son cavalier pour être en tête.
Il ne botte pas, ne mords pas et n’a aucun vice ni aucune défense.
Il n’a pas de tic.
Il apprend vite (une ou 2 séance au plus), conserve ses acquis même après des semaines au pré et sait faire confiance à son cavalier habituel ; il se rassurera sur sa voix ou sa caresse et passera l’objet de sa peur.
Il est stable dans ses humeurs ; il est rare de le trouver excité ou endormi.
En cas de peur, il n’est pas violent et ne plante pas de demi tour. Il se contente de ronfler, stopper ou faire un léger écart non dangereux.
Bien sûr, il s’agit là d’éléments pouvant être améliorés par le dressage ; mais un cheval très apathique reste en général trop mou pour faire une monture réellement plaisante ; et seul un bon cavalier saura déceler chez un cheval très chaud des erreurs éducatives encore compensables.
Le NIVEAU DU CHEVAL : On trouve des chevaux parfois âgés ayant bien peu de travail. Si vous n’avez pas de compétences dans l’éducation (même si vous avez par ailleurs votre G7), mieux vaut prendre un cheval au socle de connaissances satisfaisant, et bosser sur le détail. Cela vous fera une première expérience et vous verrez combien ce travail est à la fois difficile et enrichissant.
Evitez de prendre un cheval qui a tout à apprendre si vous êtes seul et peu habitué à la démarche éducative. En moins d’un an vous pourriez gâcher totalement ce cheval et devoir le revendre. On sur estime bien souvent ses compétences….et c’est le cheval qui trinque en général.
Il est malheureusement très difficile de trouver un « parfait cheval de randonnée ». Si vous mettez la main dessus ne tardez pas trop à faire le chèque. En général, vous devrez faire des concessions. Veillez à ce qu’elles soient compatibles avec vos ambitions et votre niveau. C’est le principal. Sans cela, votre rêve tournera au cauchemar.
Quoi qu’il arrive, retenez que sur les chemins il vaut mieux un cheval un peu vieux ou au physique un peu défectueux mais au caractère en or qu’un cheval parfait physiquement mais peu fiable au travail.
De même, un cheval peu satisfaisant au niveau technique pourra apprendre, avec un pro si nécessaire. Un cheval trop chaud ou paddockeur au possible sera souvent incorrigible.
Le mental est donc le critère n°1 pour moi.